• YAKUSAN I GEN: comme un moustique sur un buffle de fer

    YAKUSAN I GEN: comme un moustique sur un buffle de ferMaître peu connu des pratiquants et pourtant un grand maître de l'âge d'or du zen, successeur de Sekito, souvent cité par Dôgen.

     

     

     

    YAKUSAN I GEN: comme un moustique sur un buffle de fer On se demande pourquoi Yakusan est si peu connu. Dogen le cite à plusieurs reprises et il occupe un rôle important dans la transmission. 

    Yakusan i Gen de son nom complet de maître, en chinois Yueh shan Wêi-yen (c'est-à-dire Wêi-yen du mont Yueh) est né en 745 et mort en 828, en plein âge d'or du ch'an.

    C'est le successeur de Sekito, et le maître de Tokûjo. Pour situer Yakusan dans l'arbre de la transmission, il suffit de dire que son maître Sekito succédait à Seigen qui était lui-même le successeur du sixième patriarche, Eno. Yakusan était un contemporain du fameux Baso qu'il alla interroger, mais aussi de Hyakujo et de Nansen.

    Grand érudit, spécialiste des sutras, il en avait fait de nombreux commentaires, mais n'arrivait pas à toucher la chose réelle. Il alla donc s'en ouvrir à son maître, Sekito, comme le raconte Dôgen dans Immo:

    "Un jour, Yakusan demanda au grand Sekito du mont Nangaku:

    "J'ai presque maîtrisé l'enseignement des trois véhicules et des douze écoles. Cependant, j'ai entendu dire qu'il existait dans le sud une école qui enseigne: 'directement, au cœur de l'homme, à voir sa propre nature et devenir Bouddha'. Je ne comprends pas ce que cela veut dire. Maître, ayez pitié de moi, je vous supplie de me l'expliquer."

    Yakusan était très versé dans l'étude des soutras. Il les avait commenté. Il connaissait donc certainement tout ce qu'il y a à connaître de la doctrine. Sekito répondit ainsi à la question de Yakusan:

    "Le tathatâ [=ce qui est ainsi, la nature de Bouddha] ne peut être acquis. Il ne peut pas non plus ne pas être acquis. Que veux-tu au juste?"

    Yakusan, ne comprenant toujours pas, son maître lui conseilla d'aller voir Baso, le terrible, le théâtral, le spectaculaire, l'inventif, l'ingénieux Baso qui avait son monastère sur une montagne voisine où il distribuait coups, claques, cris et réponses déroutantes pour éveiller ses disciples. Yakusan s'y rendit donc et eut avec lui un mondo célèbre.

     

    YAKUSAN I GEN: comme un moustique sur un buffle de fer

    LE GRAND ÉVEIL: HAUSSER LES SOURCILS ET CLIGNER LES YEUX

     

    C'est toujours Dôgen qui parle, cette fois dans Uji (l'être temps):

    "Sur les conseils du grand maître Sekito, Yakusan ("le maître Hong-tao") vint consulter le maître Baso. Il lui demanda: je suis familier avec les enseignements des trois véhicules et des douze divisions des écritures. Mais quelle est la signification de la venue de l'ouest de Boddhidharma?

    Baso répondit: 

    "Tantôt ça1 hausse les sourcils et ça cligne des yeux,

    tantôt ça ne hausse pas les sourcils et ça ne cligne pas des yeux.

    Tantôt lever les sourcils et cligner des yeux est juste,

    tantôt lever les sourcils et cligner des yeux n'est pas juste."

    En entendant ces mots, Yakusan expérimenta le grand éveil. Il dit à Baso:

    Quand j'étudiais avec Sekito, je me conduisais comme un moustique sur un buffle de fer."

     

    PENSER LA NON-PENSÉE

    Son enseignement principal est centré sur la non-pensée. C'est à son propos que Dogen emploie pour la première fois l'expression "hishiryo" au début du zazenshin:

    "Un jour, tandis que maître Yakusan méditait en zazen, un moine lui demanda  : Que pensez-vous en restant immobile, assis sur le sol ? 

    Le maître dit : - Je pense la non-pensée. 

    Le moine demanda : - Comment peut-on penser la non-pensée ? 

    Le maître dit : - Dans ce qui n’est pas de l’ordre de la pensée."

    Dôgen reprend les mots même de ce dialogue à la fin du Fukanzazengi:

    "Demeurez fermement dans le samadhi et dans la pensée non-pensée. Comment penser le non-pensé? C'est la non-pensée. Tel est l'art de zazen."

    YAKUSAN I GEN: comme un moustique sur un buffle de fer

     

    SEULEMENT UNE VÉRITÉ DEMEURE

    Selon certains auteurs, Yakusan serait également à la base de la fameuse expression 'shinjin datsuraku' mise dans la bouche de Nyojo par Dôgen. La formule dérive a priori de hifu datsuraku ("abandon de la peau"):

    "Un jour, Baso demanda à Yakusan: Et maintenant, où en es-tu de la compréhension?

    Yakusan répondit: Toute ma peau a été totalement dépouillée (hifu datsuraku) et seulement une vérité demeure.

    Baso dit: Tu as atteint la compréhension que l’on peut qualifier de 'parfaite harmonie entre le corps et l'esprit' et elle transpire jusqu’aux extrémités de tes quatre membres. Tu es déjà ainsi. Alors encercle-toi le ventre de trois lianes de bambou (= retire-toi du monde profane) et enfonce-toi dans la montagne où qu’elle soit. (= dédie-toi à la pratique de zazen) "


    L’expression « Toute ma peau a été totalement dépouillée et seulement une vérité demeure » est elle-même issue du Maha Parinirvana sutra (éd.Taisho 12.97a, c'est-à-dire la transmission mahayana des sutras anciens): « L’arbre est vieux et pourrissant. Sa peau, ses branches, ses feuilles, sont toutes tombées. Seule la vérité demeure.»

    Dogen Zenji était parfaitement conscient du rapport entre Yakusan et la formule de son maître, puisqu'il dit, dans le Eihei Koroku:

    Un ancien sage (Yakusan) dit: « La peau est totalement dépouillée. » Mon vieux maître (Nyojo) dit: « Corps et esprit sont abandonnés». Et là, arrivé ici (à Eihei-ji), qu'en est-il? »

     

     En allant sur la biographie de Sekito, dans cette même rubrique, vous pourrez lire un mondo entre Yakusan et Sekito.

     

     

     les cinq premiers patriarches:

     Boddhidharma - Eka - Sosan - Doshin - Konin.

    Puis le sixième patriarche, à partir duquel vont se former les lignées Rinzai et Sôtô. (Ici, la lignée Sôtô):

     Enō
     (Huineng)
    638-713

    I

    Seigen 
     (Xingsi)
    660-740

    I

    Sekitō Kisen
    (Shitou Xiqian)
    700-790

    I

    Yakusan Igen
    (Yueh shan Wei yén)
    745-828

    I

    Ungan Donjō
    (Yunyan Tansheng)
    780-841

    I

    Tōzan
    (Dongshan)

    807-869

    (C'est Tôzan et son disciple Sôzan qui fondent véritablement l'école Sôtô)

     

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     1 Le texte dit: kore wa, c'est-à-dire 'ceci' au cas sujet (wa).

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