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HISHIRYÔ, SHIRYÔ, FUSHIRYÔ: au-delà de la pensée.
Hishiryô - tous les pratiquants connaissent ce mot. mais que voulait dire exactement Dôgen?...Explication des kanji chinois employés par le maître.
Shiryô 思量, fushiryô 不思量 et hishiryô 非思量.
Maître Yakusan méditait un jour en zazen. Un moine lui demanda :
" Que pensez-vous (shiryô) en restant immobile, assis sur le sol ?
Le maître dit :
- Je pense la non-pensée. (fushiryô)
Le moine demanda :
- Comment peut-on penser la non-pensée ?
Le maître dit :
- (C'est) ce qui n’est pas de l’ordre de la pensée." (hishiryô)
Ce dialogue, nous l'avons déja relaté dans l'article sur Yakusan, disciple de Sekito. Ce mondo a été repris par Dôgen dans le Fukazazengi, à tel point que le mot hishiryô est aujourd'hui indissociable du grand maître de Eiheiji. Même si hishiryô, le secret du zen, pour reprendre les mots de Dôgen, est une expérience vivante qui s'éprouve en zazen, il nous a semblé intéressant de scruter les kanji contenus dans shiryô, fushiryô, hishiryô.
Le mot shiryô 思量 : la pensée.
Il est composé de deux caractères:
- shi 思 (la pensée), en bas il y a le cœur 心, et en haut c'est la tête: on a donc la tête et le cœur. Dans la pensée chinoise et japonaise (comme chez les orthodoxes russes, d’ailleurs ou les Pères du désert), le cœur était en effet le siège des pensées.
- et ryô 量, un idéogramme qui désigne une balance : quand cet idéogramme apparaît seul on traduit par "la pesée" ou "la mesure" (ou bien "mesurer" ou "peser" en tant que verbe).
Les deux idéogrammes ensemble prennent donc le sens de « pensée discriminante, pensée conceptuelle », celle qui jauge, analyse, sépare, dissèque, distingue et range les phénomènes en catégories : la pensée ‘classique’ de la vie de tous les jours. J'aime le soleil, je n'aime pas les mauvaises herbes, ceci est pénible, cela est agréable, voici une chaise, voici une maison, etc.
Fushiryô 不思量 : non-pensée
le mot shiryô est maintenant précédé par l’idéogramme fu 不, qui représente un bouton de fleur : la fleur n’est pas là, il n’y a que le bouton pas encore éclos. D’où la signification du kanji : « absence ». Fushiryô, c'est quand il n'y a pas de pensée, le moment de vide, de silence.
Hishiryô 非思量 : au-delà de la pensée
on a à présent le préfixe hi 非 qui est une négation mais d'une tout autre nature que fu. L'idéogramme représente deux ailes d'un oiseau écartant un obstacle d'où un sens beaucoup plus fort que fu du point de vue de la négation : fu c'est l'absence tandis qu'avec hi on écarte, on élimine la notion même de pensée : on est dans un autre fonctionnement, on n'est plus dans la présence ou dans l'absence de pensées conceptuelles. C'est autre chose: au-delà de la pensée. C’est l’état que connaissent les pratiquants. Une pensée arrive et puis passe, un silence, une nouvelle pensée arrive et puis passe comme un nuage, sans provoquer de réaction, sans que la conscience agrippe quoi que ce soit.
Cet article est inspiré du site shôbôgenzô.org, avec leur aimable autorisation. Merci à eux et à leur bon esprit. :)
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