• OBAKU: Je n'ai rien à offrir.

    Un grand maître c'han dont la descendance donnera la lignée Rinzaï, et lui-même de la lignée de Baso. OBAKU: Je n'ai rien à offrir.

     

     

     

     

     

     

    Obaku est un de ces maîtres redoutables qui distribuaient claques et coups à tour de bras, ne rechignant devant aucune méthode pour peu qu'elle aide le disciple à s'éveiller. On ne sait pas quand il est né. Son maître était Hyakujo et de ce fait Obaku, Huang-Po de son nom chinois, est donc l'héritier de la lignée du grand Baso. Comme beaucoup de maîtres, il porte le nom de la montagne où prospérait son monastère.  

    Dogen a écrit de lui: "Obaku est un ancien Bouddha au-delà du temps, grandement supérieur à Hyakujo et beaucoup plus pénétrant que Baso. Rinzaï, en comparaison, est du menu fretin." 

    Grand par son enseignement, il l'était aussi de taille, et portait une protubérance en forme de perle en plein milieu du front. "Sa voix était chaleureuse et son timbre clair, et son humeur était à la fois vive et sereine," Ecrit de lui  P'ei Sieou, qui l'avait bien connu. On sait qu'il quitta très jeune sa famille à la recherche de la Voie et qu'il arriva au monastère de Baso quelques jours après sa mort. Il resta sur place et étudia la voie sous la direction du successeur de Baso, Hyakujo. Un jour, celui-ci vit revenir Obaku des environs.

    "Qu'es-tu allé faire? Lui demanda-t-il.

    - Ramasser des champignons, répondit le disciple.

    - As-tu vu le tigre?

    A cette question, Obaku répondit par un rugissement retentissant. Hyakujo leva sa hache pour le frapper, Obaku esquiva le coup, s'agrippa au maître et le frappa. Hyakujo éclata de rire et, le soir, déclara à toute l'assemblée des moines:

    "Il y a un tigre sur le mont Tayu. prenez garde à lui, ce matin il m'a mordu." Il le désignait ainsi comme son successeur.

    OBAKU: Je n'ai rien à offrir.De coups, il en est encore question quand le prince Senso [Siuan Tsong], le futur empereur, vint le voir. Au cours d'une cérémonie, le jeune homme demanda:

    - A quoi bon les rituels lorsqu'on est détaché de toute notion d'Eveil?

    Obaku lui administra une gifle retentissante. Le prince, décontenancé, s'exclama:

    - Est-ce ainsi que se manifeste l'être éveillé?

    Pour toute réponse, Obaku le gifla de nouveau.

    - Vous êtes vraiment un être grossier, gémit le prince.

    Nouvelle claque d'Obaku.

    - Et celle-là, demanda-t-il, vous la trouvez grossière ou raffinée?

    Néanmoins, la cour appréciait grandement ce maître libre de toute convention, et fréquentait son monastère, même pendant la répression qui s'abattit sur le bouddhisme en 845. Ces répressions s'expliquent par des luttes de pouvoir entre taoïstes et confucianistes contre le bouddhisme qui était une religion étrangère, importée, dont ils redoutaient l'influence grandissante. De plus, le bouddhisme faisait fi des valeurs traditionnelles centrées sur la famille, et desservaient la politique nataliste de l'Empire qui avait besoin d'hommes pour se développer et se défendre. C'est ainsi que le commissaire de l'empereur, P'ei Sieou, chargé de lutter contre la voie du Bouddha et de surveiller notre homme, était lui-même adepte du c'han. C'est lui qui recueillit ses paroles et les transmis après sa mort en deux rouleaux, l'Essentiel de la méthode de la transmission de l'Esprit,  et le Recueil de Wan-ling. C'est grâce à lui qu'aujourd'hui nous pouvons lire les enseignements et les mondos d'Obaku. Du reste, le prince Senso ne lui garda pas rancune des claques reçues dans son monastère, puisqu'il arrêta toute persécution contre le bouddhisme sitôt arrivé au pouvoir, en 847.

    OBAKU: Je n'ai rien à offrir.La répression avait détruit plus de 4500 grands temples et 40.000 plus petits, et rendu à la vie civile plus de 250.000 moines et nonnes - c'est dire l'importance qu'avait pris la Voie du Bouddha en Chine depuis Bodhidharma. Néanmoins, le monastère d'Obaku, où il recevait entre 500 et mille disciples, ne parut pas souffrir de ces persécutions. Sans doute le prince et P'ei Sieou (qui deviendra son ministre) s'étaient-ils entendu pour le protéger, sans doute aussi la règle célèbre de Haykujo ("un jour sans travailler, un jour sans manger"), avait-il doté le temple d'une certaine autonomie financière. Le refus systématique des dons avait en outre évité l'accumulation de richesses et, partant, les jalousies. 

    Cependant, les coups continuaient à pleuvoir sur le mont Huang-Po. Rinzaï, futur fondateur de la lignée Rinzaï, y étudiait depuis trois ans, sans jamais avoir osé poser une question au maître. Le shusso le persuada de se rendre dans la chambre d'Obaku pour un mondo.

    "Que dois-je demander?

    - Demande-lui quel est l'esprit du bouddhisme.

    Rinzaï s'exécuta et pour réponse se fit rosser par Obaku. A trois reprises il revint s'asseoir devant le maître avec la même question, et à chaque fois il n'en reçut qu'une pluie de coups. Rinzaï, fortement ébranlé, s'en alla alors suivre Taigu, un autre maître, à qui il raconta ses mésaventures.

    "Obaku a été pour toi une véritable grand-mère", expliqua Taigu. Rinzaï s'exclama alors:

    maintenant, je comprends qu'il n'y a pas grand chose dans le zen d'Obaku."

    Taigu le saisit par le col et rinzaï le frappa. Après quoi, il retourna chez Obaku. A son arrivée, il alla le voir directement et le frappa. Obaku éclata de rire et reconnut en lui son successeur. 

     

    Le maître mourra vers 850, déjà très âgé. Ses dernières recommandations de Huang-Po commencent ainsi: "Je n'ai rien à offrir."

     

     

     

     

     

     

     

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