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MAHAKASHYAPA
Un des plus grands disciples du Bouddha, et, dans la tradition légendaire du Zen, le premier successeur du Bouddha à la tête de la sangha, et donc le premier maître Zen.
MAHAKASHYAPA
Il serait né dans le village de Mahatittha dans le royaume de Maghada, d’un riche brahmane nommé Kapila (à ne pas confondre avec Kapila du Bussho kapila, qui est la ville de Kapilavastu). Son prénom était Pippali, car ses parents avaient prié devant un Pippal pour obtenir un enfant ("le ficus religiosus", la même espèce que l'arbre Bô sous lequel le Bouddha connaîtra l'éveil). Son nom de famille signifierait peut-être 'du clan de la tortue'.
Arrivé à l’âge du mariage, il déclara vouloir rester célibataire. Devant l’insistance de ses parents, il fit savoir qu’il n’accepterait qu’une femme en tout point identique à une statue en or. Mais cette femme existait. C'était Bhadda, qu'on dénicha dans un village voisin. Selon la légende, Bhadda et Pippali avaient été mari et femme durant plusieurs existences antérieures, et prononcé ensemble le vœu d’être disciples d’un bouddha. Ils décidèrent de rester chaste et prirent soin ensemble des parents de Pippali jusqu'à leur mort. Quelque temps après, ils réalisèrent tous deux l’impermanence de la vie chacun de leur coté, le même jour. Ils quittèrent alors leur foyer et se séparèrent. Bhadda vécut en ascète pendant cinq ans, jusqu’à ce que le Bouddha permette aux femmes de devenir nonne (Kashyapa n'était d'ailleurs pas pour cette idée!).
Maha Kashyapa rejoignit la sangha et le Bouddha l'ordonna aussitôt. Kashyapa possédait sept des marques qui caractérisent un bouddha. C'était aussi le plus âgé parmi les plus grands disciples de l'Eveillé.
Gautama l'emmena à Rajagriha, capitale du Maghada (où, plus tard, se tiendrait le premier concile bouddhique). En chemin, ils s’arrêtèrent sous un arbre ; Maha Kashyapa offrit sa toge de dessus au Bouddha en guise de coussin et ce dernier lui donna en échange le kesa qu’il portait, fait de haillons abandonnés dans un cimetière par une esclave. La terre trembla lorsque l'ancien brahmane enfila l'habit, manifestant l'aspect extraordinaire de cet instant, car il est le seul à avoir reçu un tel don. Il fit vœu d’observer les treize préceptes austères (dhutanga) et devint arhat huit jours plus tard.
Comme tous les disciples importants du Bouddha, Maha Kashyapa avait certes des pouvoirs magiques mais moins que beaucoup et le canon le montre parfois ignorant de ce genre de choses. C'était par contre le champion des règles monastiques et de la discipline dans la Communauté ; le Bouddha lui-même reconnaissait qu’il était son égal dans ce domaine.
La tradition rapporte plusieurs épisodes assez fâcheux pour lui. Par exemple, il se mit à prêcher un jour le dharma à des nonnes, et l'une d'elle, Thullatissa, lui dit qu'il aurait mieux fait de laisser cette tâche à Ananda, qui lui était bien supérieur. Un de ses disciples, échaudé par une série de reproches, mit même le feu à la hutte du saint homme (Kutidusaka Jataka). C'est donc le portrait d'un homme austère, parfois maladroit et excessif qui se dessine, mais aussi d'un moine ascétique qui suit l'enseignement sans compromis jusque dans la vieillesse, qui refuse toute faveur, tout privilège et n'a que faire des pouvoirs magiques. Il arriva même un jour, alors qu'il marchait en compagnie du Bouddha, que des femmes vinrent lui faire des offrandes de nourritures en négligeant l'Eveillé.
Mahakashyapa et la transmission du zen: la légende
Dans le zen il tient une place à part à cause de la légende de la transmission silencieuse sur le Pic du Vautour. Les pratiquants connaissent bien l'histoire. Un jour, le Bouddha s'assit au milieu de la sangha et, sans rien dire, se mit à tourner une fleur d'Udumbara dans sa main, fleur qui n'éclot que tous les 3000 ans, selon la légende. Mahakashyapa sourit alors au bouddha qui lui rendit son sourire. L'Eveillé dit alors ceci:
"J'ai le trésor de l'oeil de la vraie Loi, l'esprit merveilleux du nirvana, la réalité au-delà de l'apparence. D'esprit à esprit, la porte du dharma a maintenant été transmise à Kashyapa."
Cette histoire, véhiculée dans le zen japonais, n'apparaît que très tardivement, au XI° siècle, dans le recueil de la transmission de la lampe, ouvrage chinois qui raconte la vie des grands maîtres et la manière dont s'est opérée la transmission de la lignée. Nous sommes donc 1500 ans après le Bouddha Shakyamuni. 1500 ans sans qu'aucun soutra, aucun texte ne parle de cet événement ni même n'y fasse la moindre allusion. 1500 ans: pour bien se rendre compte de cette espace de temps, c'est comme si apparaissait en 1950 une légende concernant Attila ou Clovis...
Reste à comprendre pourquoi le zen s'est donné pour père fondateur Mahakashyapa.
Il est absolument fidèle aux prescriptions du Bouddha. Il pratique dhyâna (zazen) avec persévérance; il fait peu de cas des pouvoirs magiques; il est d'une grande humilité et reste constant jusque dans la vieillesse, ne s'accordant aucun privilège. Au contraire il s'applique une discipline sans faille. Il gardera toute sa vie le kesa loqueteux que le Bouddha lui avait donné. Enfin, il représente le parti des arhats, autrement dit des pratiquants du zen, face aux moines versés dans la spéculation philosophique. Ajoutons que c'est le seul disciple qui ait reçu un kesa du Bouddha.
A la mort du Bouddha
Il apprit la disparition de Gautama sept jours après l’événement en croisant sur la route de kusinagar un membre de la secte ajivaka qui tenait dans sa main une fleur de mandara (l’un des arbres du paradis) tombée du ciel lors de sa mort. Il fit alors le vœu de pouvoir arriver à temps avec ses compagnons pour la crémation. De fait, le bûcher funéraire refusait de s'allumer malgré de nombreuses tentatives. À l’arrivée de Maha Kashyapa à la tête de l’ensemble des disciples, les pieds du Bouddha apparurent pour qu’ils puissent lui rendre un dernier hommage, après quoi le bûcher s’alluma tout seul.
La sangha était donc sans maître. Maha kashyapa décida alors de réunir les arhats pour décider de la suite des événements. Le grand concile devrait se tenir à Rajagriha pendant la saison des pluies suivante. De fait, la mort du Bouddha mettait la sangha dans une situation délicate. Non seulement l'Eveillé n'avait pas désigné de successeur officiel, mais les deux plus grands disciples, Sariputra et Maudgalyayana étaient morts coup sur coup six mois avant. Mahakashyapa représentait le courant le plus austère des arhats, des yogis qui pratiquaient dhyâna. Il se dressait d'une part contre les moines qui pratiquaient la "spéculation mentale", d'autre part contre les changements qui avaient pris corps depuis plusieurs années avec l'élargissement du nombre de disciples. La discipline, la rigueur, la force des premiers disciples, du noyau central de yogis, s'étaient diluées dans une masse de pratiquants d'un niveau sans doute moins élevé. Comme on l'a vu, Kashyapa suivait une ligne sans concession et se dressait contre Ananda, le leader naturel des autres, à commencer par les femmes et de tous ceux qui n'étaient pas des arhats accomplis ou bien souhaitaient une application plus modérée des enseignements. (voir l'article: "après la mort du Bouddha, de Ananda à Ashoka" dans la rubrique Bouddhisme ancien)
Comme c'est lui qui maintenait la discipline en l'absence du Bouddha, il avait toute légitimité pour prendre au moins temporairement les rênes de la communauté. Mais le concile ne se passa pas comme il l'aurait voulu. Ananda d'abord écarté put finalement y assister, après avoir réalisé l'éveil en un temps record. Là, une fois récités tous les enseignements qu'il avait conservé dans sa prodigieuse mémoire, il se défendit des attaques de Kashyapa, principalement sur son rôle dans l'entrée des femmes dans la sangha, mais aussi sur le fait qu'il n'avait pas demandé au Bouddha de rester sur terre plus longuement. Ananda plaida si bien sa cause qu'il réussit à convaincre les arhats de le nommer finalement successeur du Bouddha à la tête de la sangha. Sans doute le caractère austère et rigoriste de Kashyapa l'avait-il desservi.
Kashyapa retourna alors à la vie solitaire des arhats. Il serait mort à 120 ans. Une de ses dents serait incluse dans un stupa du Sri Lanka.
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